Classée, au sein du registre 114 : « Coq-à-l’âne et facéties », dans la catégorie des « Menteries » (11401) par Patrice Coirault dans son Répertoire des chansons françaises de tradition orale, la Chanson des mensonges, ou Menterie, se présente comme un récit absurde rapporté à la première personne du singulier. Parti labourer, le narrateur croise un arbre fruitier duquel il vole les fruits. Blessé, puni pour son chapardage, il s’en va se faire soigner, avant de rentrer chez lui. Ce récit, en apparence très sobre et très simple, prend pourtant place dans un univers absurde où chaque situation est rendue invraisemblable et impossible. 

Contexte

La Chanson des mensonges apparaît comme une héritière des genres littéraires médiévaux de la fatrasie et de la sotte chanson, respectivement poésie satirique absurde apparue au XIIIe siècle, et parodie de la chanson courtoise. On peut également la rapprocher des contes de mensonges ou de la pratique populaire du concours de mensonges, qui consiste à se raconter des histoires burlesques et invraisemblables pour désigner le meilleur « menteur ». En effet, le terme de « mensonges » n’a pas toujours eu le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Initialement, il relevait davantage de l’imagination en général plutôt que de la tromperie. Ainsi, chansons et contes de mensonges se caractérisent par leur inventivité et leur narration, plutôt que leur occultation de la vérité.

La plus ancienne trace de la Chanson des mensonges conservée aujourd’hui date de 1594 et se trouve dans le Formulaire fort récréatif[1], par « Bredin le Cocu, notaire rural », attribué à Benoît du Troncy (1525 ?-1599 ?), et imprimé à Lyon. Il s’agit d’un recueil « joyeux » de formules-types d’actes juridiques détournées en situations amusantes et rocambolesques par les protagonistes impliqués et/ou les situations énoncées. La Chanson des mensonges, intégralement retranscrite, doit alors être chantée par l’acheteur d’un clos et ses successeurs « chaque jour feste St Martin d’hyver [le 11 novembre], entre onze heures et douze heures du matin, à haulte voix et pleine teste », devant le château du Sieur de la Tirelire, ancien propriétaire du dit clos. De fait, Patrice Coirault nous affirme que « le droit de chanson » était couramment exercé « dans les pratiques anciennes » et se manifestait par le « devoir d’aller chanter une chanson, et souvent la danser en des jours et endroits déterminés. »[2].

Version retranscrite du Formulaire fort récréatif :

Qui vout ouy une chanson

Qu’est touta de mensonge,

S’il y a mot de vereta,

Ie veglo qu’on me tonde.

La felon melon du lon

La felon melonge

Nostra chatta a fait do chin

Ley dessou una ronse.

Nostron asne en tuit cinq

Et en enseveli onze ;

Ie lo portay au marchia

Ie lo vendy tos treze.

Ie m’en ally à Marbou,

A Marbou, ou pou plus outre.

Ie trouvy un poumy dou

Tout chagria de griotte.

Ietty mon bourdon dessus

Ie fy chey de les peyres.

Mais le bon homme veny

A qui estion le pesche.

M’envoya son chin apres

Sa chevra me vin mordre.

Me vint mordre au talon,

Ie seigny par l’oreille.

Alla queri le Medecin

Pour me guarir l’espaula.

Ie luy daray pour payement

Une once de ma merda.

Que sera fraische caca

Du plus clair du Clystere.

Et quand mon dey sera guary

I’iray cullir de pomme.

Dessus le noyer tout sec

De ma commare Clauda.

Ma c’est trop chalamela

Sans mangy ne sans beyre.

A dy mon bon Seigneur

Iusqu’à l’atra feta.

Que ie vou reviendray vray

Ainsi que ie dey faire.

Traduction :

Qui veut ouïr une chanson

Qui est toute de mensonges

S’il y a un mot de vérité

Je veux que l’on me tonde.

Notre chatte a fait des chiens

Par-dessous une ronce.

Notre âne en a tué cinq

Et enseveli onze

Je les portai au marché,

Je les vendis tous treize.

Je m’en allai à Marbou,

A Marbou un peu outre.

Je trouvai un pommier doux,

Tout chargé de cerises.

Je jetai mon bâton dessus,

Je fis tomber des poires.

Mais le bonhomme revint

A qui étaient les pêches.

M’envoya son chien après,

Sa chèvre me vint mordre.

Me vint mordre au talon,

Je saignai par l’oreille.

On va quérir le médecin

Pour me guérir l’épaule.

Je lui donnerai pour paiement

Une once de ma merde.

Qui sera du frais caca,

Du plus clair du clystère.

Et quand mon doigt sera guéri

J’irai cueillir des pommes.

Dessus le noyer tout sec

De ma commère Claude.

Mais c’est trop dégoiser

Sans manger ni boire.

Adieu, donc mon bon seigneur,

Jusqu’à l’autre fête.

Que je reviendrai vous voir

Ainsi que je dois faire.

La version ainsi recopiée dans le Formulaire fort récréatif n’est vraisemblablement qu’une réécriture de couplets qui avaient probablement déjà cours au XVIe siècle, et peut-être même avant.

Quoi qu’il en soit, tous les éléments qui font l’essence de la Chanson des mensonges telle qu’elle nous est parvenue aujourd’hui sont bel et bien déjà présents dans la version du Formulaire récréatif.

La cuisse de la mouche et autres variations

Le Chanson des mensonges a fait l’objet de très nombreuses interprétations différentes (plus de 80 textes et 40 versions musicales collectées aux XIXe et XXe siècles), disséminées partout sur le territoire français, en diverses langues et parlers locaux. Cependant, des éléments semblent former le noyau de la chanson et se retrouvent, partiellement ou en totalité, d’une version à l’autre. Le narrateur se lève quand le soleil se couche, pour aller labourer là où il n’y a point de terre. Il emporte sa charrue et ses bœufs sur son dos, dans ses poches, à sa ceinture. Il rencontre ensuite un arbre fruitier, tantôt pommier, cerisier, prunier, duquel il fait tomber tantôt des groseilles, des poires, des figues, qui se transforment encore lorsqu’il va les ramasser. Le narrateur se retrouve ensuite blessé, soit mordu par une poule ou une chèvre au lieu d’un chien lancé à ses trousses par le propriétaire de l’arbre, soit par la chute des fruits. Il s’en va alors se faire soigner chez le médecin ou le pharmacien, avant de retourner chez lui pour voir défiler tout un bestiaire attelé à des tâches domestiques (chats qui font la lessive, cochons qui préparent la bouillie, …), et où, souvent, une mouche au plafond ou au plancher qui se tordait de rire, tombe et se casse la cuisse. Le plus souvent mais pas systématiquement, la Chanson s’ouvre sur un distique annonçant sa nature même de « mensonge ». L’on entre ainsi dans le récit, l’imaginaire, le conte :

Qui veut savoir une chanson  Tout’ pure de menteries ?

S’il yat un mot de vérité   Je veux perdre la vie

(Veuve Louise Gaboreau paysanne, à Surin, 1903, Deux-Sèvres)[3]

Je vais vous dire un’chanson

Qu’est tout’ plein’ de mensonges

(M. Berthon, dit « La Neige » Châteauroux)[4]

Ièu savo na chançon                 

Qu’ei tota de messonjas

(Jospeh Polly, Saint-Pierre-du-Doux & Jospeh Montagne, Desaignes, Saint-Pierre-sur-Doux)[5]

On constate que selon les régions, ce « noyau traditionnel » s’adapte aux réalités des usages et de la géographie locale. Ainsi, dans les régions méridionales, la pratique du labour peut être remplacée par celle de la foire, et, sur la côte Nord-Ouest, plutôt que de « labourer là où il n’y a point de terre », on laboure « la grande mer d’Angleterre ». De même, en Lorraine, la chanson raconte un épisode dans une église où « un saint noiraud avale de la choucroute », où l’on mange de la soupe plutôt que de se signer, et où l’on compte les mouches au lieu d’égrener le chapelet[6]. D’autres versions plus rares existent également, mettant en scène une rencontre avec un cheval mort qui mange de l’avoine sur le dos duquel le narrateur monte et « vole par les champs comme un lièvre » après lui avoir coupé les pattes[7].

En outre, selon les versions, il arrive que l’épisode domestique se situe au début de la chanson. C’est notamment le cas dans le Formulaire fort récréatif, ce qui pourrait amener à penser que ces versions-ci seraient antérieures à celles où les animaux n’interviennent qu’en fin de chanson : « le point de départ de la menterie serait alors une fable burlesque mettant en scène des animaux familiers […], et sur ce ‘coq-à-l’âne’ pour ainsi dire serait venue se greffer, plus ou moins habilement, une application au monde des hommes susceptible de prendre une place prépondérante, voire exclusive »[8].

Ainsi, mis à part quelques versions foncièrement différentes, les variations de la Chanson des mensonges se situent davantage dans les détails de fond : quelle activité, quel arbre, quels fruits, comment on se les procure, quels animaux, quelle blessure, comment elle est traitée ; ainsi que dans la forme : langue, refrain, air.

Quelles que soient les versions, la construction globale reste sensiblement la même et les vers fonctionnent par paires : énonciation de la situation/conclusion d’une manière impossible et absurde. Le procédé comique réside dans cet effet de surprise et dans les situations relatées en elles-mêmes, cet humour absurde qui, selon Patrice Coirault, plaisait tout particulièrement aux ruraux. De plus, la forme de récit rapporté est propice à la projection et à la visualisation.

Voici quelques exemples :

De bon matin j'me lèv' : Pierre Ronze, enregistré par Jean Dumas, Le Pertuis, 1960

De bon matin j’me lèv’ (bis)

Quand le soleil se couche

Pon lari toulala

Quand le soleil se couche

Je m’en vais charruer (bis)

Là où il n’y a pas de terre

Pon lari toulala

Là où il n’y a pas de terre 

La charrue sous mon bras

Et les bœufs dans mes poches

J’rencontre un cerisier

Qui était chargé de prunes

J’m’en vais le secouer

Il en tomba des figues

J’m’en vais les ramasser

C’était des pommes de terre

La femme du garde m’a vu

M’envoie son chien après

La poule vient me mordre

Elle me mord au talon

Tellement que ça saignait

Ça saignait du vinaigre

Tellement qu’il en sortait

Ça sortait par l’oreille

J’m’en vais chez l’pharmacien

Qui était tailleur de pierres

Je rentre à la maison

J’enfonce les portes ouvertes

Le coq au coin du feu

Qui lisait le journal

La chèvre au coin du feu

Qui faisait cuire la soupe

Je monte à la chambre

La vache changeait de chemise

Les mouches au plafond

Qui se tordaient de rire

Y’en a une qui riait tant

Qu’elle s’en cassa les quilles

Elle ne put remonter

Qu’avec trente-six béquilles

Docteur en riait tant

Qu’il avala sa pipe

Et c’est depuis c’temps-là

Qu’on fume les cigarettes

Ceux qui l’ont écoutée

Méritent une fessée

Et c’lui qui l’a chantée

Mérite des dragées

Cette version est la plus complète dont on dispose en Auvergne. En plus des différentes variations précédemment évoquées, on remarque des ajouts tels que l’écho à l’expression « enfoncer des portes ouvertes », et surtout la conclusion « et c’est depuis c’temps-là » qui rappelle le conte. Les deux derniers couplets permettent également un jeu avec l’auditoire, qui souligne le caractère facétieux de la chanson. On note la justesse de la voix du garçon, âgé de 13 ans à l’époque, qui tient la tonalité malgré la durée du chant. Par ce jeune informateur, et le fait que cette version ait été collectée par Jean Dumas (1924-1979), connu notamment pour son lien étroit avec les mouvements de jeunesse, on peut par ailleurs supposer que la chanson se transmettait, au XXe siècle, auprès de la jeunesse et de ces mouvements. On peut d'ailleurs aujourd’hui la retrouver dans certains répertoires du scoutisme.

D'bon matin m'sè léva : Wilfrid-Siméon Boisier, enregistré par Jean-Marc Jacquier, Brizon, 1980

[D’bon matin m’sè léva,

Kan le seleu s’keuçchive,

J’entends l’ranssignolet,

D’sé ala à la fèra,

Kan lous âtre nan rvegnivon !]

D’sé alla pè labora on shan

Ké n’avé pa de tèrra !

Y avé qu’on pour pèri

Tota sharzhia de rave !

Dé téria mon gourdelion

Ya tomba dé shotagnye !

D’sé alla pè lé ramassa,

E sé trova d’ulagnye !

Dé pré lou bu su m’n épôle

E la tyuéri su l’autre.

D’sé alla vi à la mèzon

Si fassian bon ménazhe.

Y avè qu’on shin barbet

Ké fassè la couézine !

Lé fènne z étion à jho,

E lé polalye flyovon !

Lou somme étyon u boiton,

E lou pwer fassoravon !

Lé mushe é dian l’plafon,

Ké se krévavon d’rire !

La pè ptiouta a tomba

E sé cassa la cwèsse !

L’é ména u rabilleu,

U rabilleu dé tyèvre !

U rabilleu z’a tan rizu,

Ké la cassa sa pipa !

Awé le ju d’la pipa

On a resseuda la cwèsse !

Traduction :

[De bon matin je me suis levé,

Quand le soleil se couchait

J’entends l’ranssignolet

Je suis allé à la foire,

Quand les autres en revenaient !

Je suis allé pour acheter deux bœufs,

Ça s’est trouvé deux vaches !]

Je suis allé labourer un champ

Qui n’avait pas de terre !

Il n’y avait qu’un petit poirier,

Tout chargé de raves !

J’ai lancé mon bâton,

Il est tombé des châtaignes !

Je suis allé pour les ramasser,

Ça s’est trouvé des noisettes !

J’ai pris les bœufs sur une épaule,

Et la charrue sur l’autre !

Je suis allé voir à la maison

S’ils faisaient bon ménage.

Il n’y avait qu’un chien barbet (véreux)

Qui faisait la cuisine !

Les femmes étaient sur le perchoir,

Et les poules filaient !

Les hommes étaient dans l’étable à cochons

Et les cochons bêchaient !

Il y avait des mouches au plafond

Qui se mourraient de rire !

La plus petite est tombée

Et s’est cassée la cuisse !

Je l’ai menée au rebouteux

Le rebouteux des chèvres !

Le rebouteux a tellement rigolé

Qu’il a cassé sa pipe !

Avec le jus de la pipe

On a ressoudé la cuisse !

On peut voir ici un exemple d’une version en francoprovençal où il est question à la fois de labour et de foire. De plus, la figure du médecin y est remplacée par celle du rebouteux.

Dans la Chanson des mensonges, le personnage du médecin/pharmacien est d’ailleurs intéressant par la façon dont il matérialise les rapports des habitants et habitantes des campagnes avec le corps médical. Illustration des moqueries et critiques paysannes à l’encontre des médecins qui avaient cours au moins jusqu’au XIXe siècle, il soigne souvent mal le narrateur. De même, il arrive qu'il pratique d’autres activités, telles que tailleur de pierre par exemple, ce qui peut rappeler cette figure polyvalente du guérisseur/rebouteux, potentiellement mieux intégrée dans l’espace rural, ou bien contribuer à décrédibiliser davantage le médecin[9], qui, d’ailleurs, bénéficiait à l’époque d’un statut de « notable ».

Anarem laurar : Berthe Brun, enregistrée par José Dubreuil, Jean-Claude Rocher, Patrick Bec et Guy Brun, Loubaresse, 1988

Anarem laurar

Troverem pas de peras

Metegueron les buòs al còl

L'araira a la centura

Quand arrivem a l'ostal

Trover' les òm's a la sop'

L'escotions que chapesavan

E las fermas [...]

E las polas que fialavan

E les jalhs que passavan la farina al forn

Enfin, cette courte version en occitan coupe tout l’épisode de l’arbre et du médecin, pour passer directement aux scènes domestiques finales.

Bien qu’elle relève de la facétie, la Chanson des mensonges se fonde avant tout sur la puissance de l’imaginaire, qui vient mettre le monde sens dessus dessous, bouleverser l’ordre établi, tout inverser, en écho aux usages des Carnavals et autres fêtes similaires visant à chambouler tous les codes. Ainsi, en Lorraine, la chanson porte le titre de Lé monde révauché (Le monde renversé), et, comme pour contredire le vieux proverbe « les chiens font pas des chats », la version du Formulaire fort récréatif donne pourtant bel et bien à voir une chatte qui fait des chiens. Plus qu’une blague paysanne, la Chanson des mensonges apparaît alors, par le biais de l’imaginaire, comme une sorte d’ode à la liberté. Il n’est donc pas étonnant que ces « menteries » se retrouvent sur l’ensemble du territoire français et même au-delà, comme en Suisse et au Canada.

Le monde renversé, planche I, De la fabrique de Pellerin, imprimeur-libraire à Epinal [1829]

Un "mensonge" international ?

Si les faits rapportés et les usages diffèrent, la Chanson des mensonges se manifeste également dans le folklore gaélique, aussi bien irlandais qu’écossais, sous le nom de Amhrân Bréagach (Chant menteur). Elle s’apparente alors davantage à une berceuse destinée aux enfants, laissant libre cours à l’imagination dans une forme de « surréalisme folklorique »[10]. De même, si l’on quitte la chanson pour pénétrer dans le conte, on constate l’importance de la pratique du concours de mensonges, notamment présente là-encore au Royaume-Uni (tall tales, lying contest), mais aussi en Norvège ou en Grèce. On peut ainsi évoquer un poème byzantin du XIIe siècle relatant un concours de mensonges dont les motifs se retrouvent dans certains contes grecs collectés au XXe siècle[11]. Il y est question d’affrontements basés sur des mensonges, en particulier pour gagner la main d’une princesse. Motif que l’on retrouve également dans un conte norvégien mettant en scène le personnage emblématique d’Askeladden (le garçon des cendres). On peut aussi citer un récit Allemand du XIVe siècle Sô ist diz von lügenen (Ainsi vont les mensonges), repris par les Frères Grimm dans leur Conte du pays de Cocagne, où un narrateur relate des faits extraordinaires desquels il a été témoin, sur le même modèle que celui de la Chanson des mensonges.

Il est tout d'abord intéressant de souligner que tous ces récits entrent en résonnances les uns avec les autres par leur narration et les éléments qu’ils mettent en scène. Mais il est également possible de les rapprocher de notre chanson, non seulement à travers cette omniprésence du « mensonge », mais aussi, entre autres événements incroyables, par les motifs du labour invraisemblable, des animaux qui s’attèlent à des tâches domestiques, de la présence des mouches, et de l’omniprésence de la faune et de la flore en général. Autant d’éléments qui gravitent autour de ce fantasme de monde inversé.

La question des contes de mensonges pourrait largement faire l’objet d’une étude qui y serait entièrement consacrée ; il n’est question ici que de relever des liens possibles entre les répertoires et d’ouvrir la réflexion.

En France en tout cas, si cette Menterie ne semble plus aussi connue, elle reste tout de même présente dans la musique actuelle en faisant encore aujourd’hui l’objet de réinterprétations, dont voici deux exemples : par le quartet breton Neizh, ou en "électrotrad" par le duo québécois Mélisande ; exemple de l'adaptabilité du répertoire traditionnel !

La chanson des mensonges, Neizh

La chanson des mensonges, Mélisande

Ainsi, la Chanson des mensonges brille par sa longévité et la place qu’elle occupe sur le territoire français, voire européen et canadien. De simple récit comique, on peut la voir comme un témoin des pratiques traditionnelles populaires, telles que, certes, le travail et les activités domestiques, mais aussi la perception du corps médical, les contes de mensonges, et, plus largement, ce qui divertissait et animait les populations rurales, à savoir cet humour absurde, cette force créatrice qui brouille « les bornes et limites du conventionnel [pour céder] la place à l’espace de liberté que constitue la mémoire de l’imaginaire populaire. »[12]

Laura Souillard, stagiaire collections sonores au CMTRA.


[1] [DU TRONCY Benoît], Formulaire fort récréatif de tous contracts, donations, testamens, codicilles, et autres actes qui sont faicts, et passez par devant Notaires et tesmoins, Lyon : Pierre Rigaud, 1618 [1ère Ed. 1594], p62-67.

[2] COIRAULT Patrice, Formation de nos chansons folkloriques, Paris : Ed. du Scarabée, 1955, p194-199.

[3] COIRAULT Patrice, Formation de nos chansons folkloriques, Paris : Ed. du Scarabée, 1955, p195.

[4] BARBILLAT Emile, TOURAINE Laurian, Chansons populaires dans le Bas-Berry, Châteauroux : Ed. du « Gargaillou », 1930, p165-V-166V.

[5] DUFAUD Joannès, 300 chansons populaires d’Ardèche. Textes et partitions, Saint-Julien-Molin-Molette : Jean-Pierre Huguet, 2000, p436-437.

[6] COIRAULT Patrice, Formation de nos chansons folkloriques, Paris : Ed. du Scarabée, 1955, p194-199.

[7] Ibid.

[8] BOUVIER Jean-Claude, MATHIEU Guy, « La chansons des mensonges en domaine occitan (Provence et Dauphiné) », in : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°6-1-2, 1978, p195-202.

[9] MERCERON Jacques E., « Sarcasmes, rancœur et regards croisés sur la médecine en milieu rural. Paysans, guérisseurs et médecins au XIXe siècle », in : Histoire et sociétés rurales, vol.51, 2019, p69-123

[10] Ó GORMAILE Pádraig, « Pearse Hutchinson, poète bilingue », in : Etudes irlandaises, n°26-2, 2001, p115-139.

[11] ANGELOPOULOS Anna, « Le concours de mensonges : une réponse collective ancienne à des quotidiennes rudes », Grèce-sur-Seine [en ligne], 28/05/20, URL : https://www.grecesurseine.fr/le-concours-de-mensonges-une-reponse-collective-ancienne-a-des-quotidiens-rudes-par-anna-angelopoulos/, consulté le 14/06/23.

[12] Ó GORMAILE Pádraig, « Pearse Hutchinson, poète bilingue », in : Etudes irlandaises, n°26-2, 2001, p115-139.

Sources, pour aller plus loin...

  • COIRAULT Patrice, Formation de nos chansons folkloriques, Paris : Ed. du Scarabée, 1955, p194-199.
  • COIRAULT Patrice, Répertoire des chansons françaises de tradition orale, t. III, Paris : Bnf, 2006, p201-205.
  • VUARNET Emile, GUYON J.-M., CHARRIERE Georges, Chansons savoyardes recueillies par Emile Vuarnet, Paris : Maisonneuve et Larose, 1997, p64-85.
  • [DU TRONCY Benoît], Formulaire fort récréatif de tous contracts, donations, testamens, codicilles, et autres actes qui sont faicts, et passez par devant Notaires et tesmoins, Lyon : Pierre Rigaud, 1618 [1ère Ed. 1594], p62-67. [en ligne] URL : https://books.google.fr/books?id=i1qO9pKlvOsC&printsec=frontcover&source=gbs_atb&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false
  • TIERSOT Julien, Chansons populaires des Alpes françaises (Savoie et Dauphiné), Grenoble : Librairie Dauphinoise, Moutiers : Librairie savoyarde, 1903, p199-201.
  • DUFAUD Joannès, 300 chansons populaires d’Ardèche. Textes et partitions., Saint-Julien-Molin-Molette : Jean-Pierre Huguet, 2000, p435-439.
  • DUFAUD, Chansons anciennes du Haut-Vivarais II, 1983 p142-143.
  • DUFAUD, Chansons anciennes du Haut-Vivarais III, 1987, p153.
  • BARBILLAT Emile et TOURAINE Laurian, Chansons populaires dans le Bas-Berry, Châteauroux : Ed du « Gargaillou », 1930, p164-V - 166-V. 
  • DAVENSON Henri, Le livre des chansons, Neufchâtel : Ed de la Baconnière, 1943, p438-439.
  • VALIERE Michel, ROBERT Catherine, « La tradition orale du conte de mensonge en Poitou », in : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°10-1-4, 1982, p337-347.
  • MERCERON Jacques E., « Sarcasmes, rancœur et regards croisés sur la médecine en milieu rural. Paysans, guérisseurs et médecins au XIXe siècle. », in : Histoire et sociétés rurales, vol.51, 2019, p69-123.
  • BOUVIER Jean-Claude, MATHIEU Guy, « La chanson des mensonges en domaine occitan (Provence et Dauphiné) », in : Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°6-1-2, 1978, p195-202.
  • JOISTEN Charles, « D’une chanson folklorique à une formulette éliminatoire enfantine », in : Le monde alpin et rhodanien. Revue régionale dethnologie, n°9-2-3, 1981, p21-26.
  • « La chanson des mensonges : deux versions, de Nice et Savoie », in : Le monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°12-1-2, 1984, p217-222.
  • Ó GORMAILE Pádraig, « Pearse Hutchinson, poète bilingue », in : Etudes irlandaises, n°26-2, 2001, p115-139.
  • ANGELOPOULOS Anna, « Le concours de mensonges : une réponse collective ancienne à des quotidiennes rudes », Grèce-sur-Seine, 28/05/20, [en ligne] URL : https://www.grecesurseine.fr/le-concours-de-mensonges-une-reponse-collective-ancienne-a-des-quotidiens-rudes-par-anna-angelopoulos/, consulté le 14/06/23.
  • « ATU 852 « Lying contest », Folklore & fiction, 06/05/21 [en ligne] URL : https://csmaccath.com/blog/atu-852-lying-contest, consulté le 14/06/23.

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