Au cours de l’année 2016, nous avons achevé le traitement documentaire et la mise en ligne du Fonds des Amis du Vieux Saint-Étienne qui est conservé aux Archives municipales de Saint-Étienne. Si certains pans de la passionnante histoire ouvrière  stéphanoise sont évidemment abordés, plusieurs autres thèmes sont explorés, comme celui du « Vêtement ».

Mais ne fuyez pas ! Si le sujet semble léger, les liens entre la mode et l’histoire sont plus nombreux que l’on ne pourrait penser. Et c’est justement de la mode féminine pendant la Première Guerre Mondiale dont il sera question cette semaine.

Vendeuse de vêtements à la retraite, la stéphanoise Madame Pontvianne anime cet atelier-mémoire captivant organisé par l’association des Amis du Vieux Saint-Étienne (aujourd’hui Histoire et Patrimoine de Saint-Étienne). Nous sommes le 2 février 1993, la rencontre rassemble une petite dizaine de personnes invitées à réagir à la projection de nombreuses diapositives (nous entendons le bruit si significatif du changement de photographie à quelques reprises dans l’extrait ci-dessus).

Plusieurs fois lors de l’enregistrement, Madame Pontvianne et ses interlocuteurs évoquent la Première Guerre Mondiale comme une période « charnière » au cours de laquelle la mode vestimentaire aurait particulièrement évolué. Si la pudeur empêche de temps à autre de détailler davantage ces métamorphoses (féminines), certaines pièces sont toutefois détaillées : raréfaction du corset, apparition du soutien-gorge – et ses prémices ! -, du manteau, les jupes se font plus souples… et création du fameux « costume tailleur » dont il est question dans les extraits choisis. Ce qui change fondamentalement ? L’apparition d’éléments jugés plus « masculins » dans la garde-robe des femmes.

Les causes de ce changement apparaissent clairement : appelées à contribuer à l’économie du pays pendant la Première Guerre Mondiale, les femmes ont massivement « remplacé » les hommes partis au front dans les hôpitaux, les champs, les usines, les administrations… Les toilettes d’autrefois, jugées peu pratiques, ont donc subi quelques aménagements. En outre, les pénuries touchent également le secteur du textile : il s’agit alors d’imaginer des vêtements moins chargés, de les raccourcir légèrement… Enfin, l’industrie américaine influence, ou en tous cas accompagne ce glissement en faisant découvrir à l’Europe de nouvelles matières et de nouvelles formes.

Si ces changements sont en effet notables, ils ont aussi fait l’objet d’un affolement certain à l’époque… et d’une légère exagération dans la presse française.

En réalité, comme le rappellent Maude Bass-Krueger et Sophie Kurkdjian, historiennes et commissaires de l’exposition « Mode & Femmes / 14-18 » qui ouvrira ses portes à la Bibliothèque Forney à Paris le 28 février prochain, « seules celles qui sont de l’industrie de l’armement et fabriques les obus portent parfois des combinaisons d’homme, parce que leurs jupes flottantes sont dangereuses » (entretien accordé au Magazine Causette actuellement en kiosque). L’émancipation est donc contenue. Mais la liberté de mouvement  des femmes,  acquise entre autre par le trousseau, est elle en bonne voie !

Pour aller + loin :

Visuel : « Prends garde au môme… hein ! » – Dessin publié dans La Baïonnette, n° 124, 15 novembre 1917 – in J.-M. PINCHEDEZ et J.-M. DELAIRE, Vivre et faire vivre la guerre

Cet article a été rédigé par Antoine Saillard, chargé des collections sonores du CMTRA de 2017 à 2021.