Notion de frontière : une ambigüité

Dans l’absolu, une frontière n’existe pas. Elle existe si on la connaît, si elle est signalée d’une façon ou d’une autre, en décidant que tel ou tel élément fait frontière et la matérialise. Les limites de parcelles ou de propriétés sont parfois connues des habitants seuls (mais pas tous) et sont impossibles à distinguer sans connaissance du territoire d’une part, et sans connaissance de l’existence de la frontière. Un tertre, un cours d’eau, une voie de circulation peut faire office de frontière, et doit être signalé, noté pour être connu de tous.

Une frontière est donc une notion de l’esprit, une lecture géographique du territoire demandant un savoir, également une question de point de vue.

Une frontière n’est pas non plus stricte en soi et n’est parfois définie que par défaut, pour distinguer deux faits différents d’un territoire qui vont permettre de l’envisager en deux sous-ensembles. La frontière est alors floue, non délimitée, déterminée comme une zone entre deux phénomènes, sans pour autant être clairement matérialisée.

Choix des délimitations cartographiques sur Infrasons

Les différentes frontières présentées sur la carte d'Infrasons, qu'elles soient culturelles, géographiques, linguistiques, administratives actuelles ou plus anciennes, ont été établies à partir de travaux existants, et dans l'optique de donner à lire des ensembles, permettant au curieux, au chercheur, à toute personne, de comparer, d'interpréter, d'interroger le territoire et ses sons à partir de différents points de vue.

Infrasons est avant tout une cartographie sonore, présentant des archives d’époques et d’expressions différentes, qu’elles soient vernaculaires ou non. Il nous a semblé indispensable de prendre en compte des éléments ressortant des archives sonores, en particulier concernant les noms de certaines zones ou lieux faisant vraisemblablement référence aux anciennes provinces sous l’ancien régime d’une part, et aux « régions naturelles » de l’autre dont les noms sont encore utilisés de nos jours, même si cette notion paraît aujourd’hui dépassée.

Ainsi, cinq types de « frontières » ont été spécialement dessinés pour Infrasons, permettant de faire sens avec le contenu des archives sonores, à savoir :

  • Les délimitations de la région Auvergne-Rhône-Alpes selon le découpage de 2016
  • Les délimitations départementales actuelles
  • Les anciennes provinces
  • Les délimitations de « pays » ou « régions naturelles », à savoir des territoires identifiés, géographiquement ou culturellement.
  • Les aires linguistiques régionales

Ces délimitations permettent de « lire » les territoires ruraux, représentant la majeure partie de la région. Il est à noter que dans les centres urbains, ainsi que pour les archives concernant les mouvements de populations et migrations de différentes époques, ces découpages ne sont pas toujours pertinents, et en appelleraient d’autres qui nécessiteraient plutôt un éclairage historique.

Les articles peuvent également présenter des cartes ponctuelles présentant d’autres découpages que les calques proposés sur la cartographie.

Un découpage par commune

Pour chaque type de délimitation, nous expliquons ci-dessous les problèmes rencontrés et les difficultés que nous avons eues à faire les choix qui ont été nécessaires pour la représentation sur la carte. Nous n’avons pas pu représenter chaque phénomène en détail pour des raisons de lisibilité mais avons souhaité faire apparaître de grands ensembles dans lesquels chacun pourra se reconnaître.

Un géomaticien a réalisé les cartes et a dû, pour pouvoir représenter les différentes aires, s’appuyer sur des délimitations tangibles, à savoir les limites des départements et majoritairement des communes. Pour des raisons techniques, il n’a pas été possible de diviser des communes en deux ou en trois. Nous avons donc dû inclure ou exclure telle ou telle commune de tel ou tel ensemble. Il a parfois été impossible de déterminer si une commune était dans ou hors un ensemble. Nos délimitations ne sont donc pas des vérités scientifiques immuables, mais permettent d’avoir une idée la plus précise possible de l’interopérabilité des différentes aires proposées.

Les « amphizones »

Les amphizones désignent des zones de frontière floues présentant des dégradés de phénomènes, en particulier en ce qui concerne les langues, ou différents éléments justifient tout autant que d’autres l’appartenance à un ensemble linguistique ou à un autre. Concrètement, la frontière entre l’occitan et le francoprovençal n’est pas nette et peut s’étaler sur une bande de plus de 30 km de large pour présenter des caractéristiques claires de l’une ou l’autre langue. Sur l’amphizone, la zone frontière, il est presque impossible de distinguer.

Pour rendre la carte lisible, il n’a pas été possible de représenter les amphizones des aires linguistiques, d’autant plus qu’elles n’ont pas toutes été étudiées, des sources étant abondantes pour certaines et totalement inexistantes pour d’autres. Nous avons donc choisi délibérément de traverser les amphizones. Les communes de part et d’autre de nos démarcations ne doivent en aucun cas être considérées comme appartenant pleinement à un ensemble car elles présentent aussi de nombreuses caractéristiques de l’autre ensemble. Le respect de ce métissage, pour ainsi dire, est essentiel, et correspond à une réalité des langues et dialectes parlés.

Les sources

Nous vous présentons ci-dessous les sources utilisées pour déterminer les délimitations des anciennes provinces, des régions naturelles et des aires linguistiques.

Nous n’avons pas souhaité résoudre les contradictions des différentes sources, présentant la plupart du temps différents avis, ni non plus prendre part aux débats parfois idéologiques concernant la réalité d’un territoire ou d’une limite.

La plupart de nos références, mais pas toutes, viennent des articles présents sur Wikipedia, et d’articles scientifiques accessibles sur internet en archives ouvertes. Dans les deux cas, les articles ont le mérite d’être très accessibles et de regrouper plusieurs sources et références permettant à la personne souhaitant approfondir le sujet de s’imprégner de l’état actuel des connaissances et des différents points de vue.

Il ne faut pas perdre de vue qu'en fonction de l'évolution des connaissances et des réalités humaines, les limites présentées ici ont une "durée de vie" et peuvent, le cas échéant, être obsolètes.

I – ANCIENNES PROVINCES AURA

Les anciennes provinces, connues jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, permettent d’envisager en termes d’échanges et de culture, les archives sonores dans une perspective historique. Voici les sources utilisées : 

  • Carte des anciennes provinces par communes

https://fr.wikipedia.org/wiki/Auvergne-Rh%C3%B4ne-Alpes#/media/Fichier:Auvergne-Rh%C3%B4ne-Alpes_et_provinces.svg

  • les provinces françaises avant 1790, et liens avec les départements actuels

http://duchezeau.cyrille.free.fr/anciennes_provinces.htm

  • Carte du Gouvernement général de Lyon et des provinces du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais montrant les communes et les départements actuels.

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=30691564

II – AIRES CULTURELLES ET REGIONS NATURELLES EN AUVERGNE

Les « régions naturelles » en Auvergne, les « pays », les « territoires » peuvent faire l’objet, selon le degré de connaissance que l’on a de la géographie, de multiples ensembles et sous-ensembles, dont les repères ne sont pas toujours simples à déterminer et ne recoupent pas nécessairement les mêmes réalités. Pour un repérage efficace et une meilleure lisibilité, nous avons regroupé certaines « micro-régions », en particulier quand les archives sonores montrent dans leurs contenus des éléments communs.

Il est évident que les régions naturelles que nous vous proposons pour la partie Auvergne sont tout-à-fait décomposables en plus petits ensembles qui peuvent s’avérer pertinents en fonction des activités humaines anciennes ou actuelles, et qui peuvent être évoqués dans telle ou telle archive. Il n’était pas possible d’être exhaustif sans saturer la carte.

Nous avons donc tenté d’équilibrer le découpage de ces zones en fonction de trois critères :

  1. La zone est nommée dans les archives sonores, elle est donc reconnue par des habitants comme étant constitutive d’un territoire, correspondant la plupart du temps à un regroupement d’activités humaines repérées (ex : débardage du bois dans le Livradois).
  2. La zone regroupe plusieurs petites zones sur lesquelles les archives sonores témoignent d’activités communes ou d’influences de mêmes personnes pour une activité culturelle (rayonnement territorial d’un musicien par exemple, pouvant expliquer le regroupement de la Sumène et de l’Artense).
  3. La zone est nommée, en particulier dans les activités culturelles actuelles du territoire, et peut servir de repère pertinent pour l’utilisateur (le Carladès, par exemple).

III – AIRES CULTURELLES ET REGIONS NATURELLES EN RHONE-ALPES

IV – AIRES LINGUISTIQUES AURA

Précautions d’appréhension des langues du territoire

La carte des frontières linguistiques présente la répartition des langues vernaculaires et de leurs variantes sur le territoire.

Cette carte ne représente pas la totalité des langues parlées dans la région, en particulier les langues issues des mouvements de populations de l’époque moderne et contemporaine qui seront plutôt traitées dans des articles spécifiques sur le sujet. Il ne s’agit pas de les négliger, ou de considérer une antériorité insuffisante pour les faire apparaître sur la carte, les mouvements de population depuis le XIXe siècle font bien sûr autant partie de l’histoire que les mouvements de population ayant eu pour conséquence la naissance de ces langues dite « vernaculaires » dans l’antiquité ou le moyen âge.

L’expression des langues vernaculaires a durablement imprimé son empreinte dans les noms de lieux, de personnes, d’objets, de plats cuisinés, dans les expressions culturelles, dans les métiers. Ce sont des langues vivantes, mais considérées en nette perte de vitesse, très injustement réduites à des « patois » (terme le plus employé pour les qualifier), c’est-à-dire étymologiquement à un baragouinage incompréhensible. Pourtant, la richesse culturelle véhiculée par ces langues et dialectes est considérable, et souvent, contrairement aux langues implantées plus récemment, sont moins connues et accessibles, voire ignorées ou inconnues. Compte tenu de leur importance dans le patrimoine culturel immatériel et dans l’histoire du territoire, il nous semblait indispensable de les représenter graphiquement sur la carte. Nous expliquons nos choix ci-dessous.

Comme évoqué plus haut, les frontières linguistiques n’existent pas de façon concrète, dans la mesure où on passe d’un dialecte à l’autre ou d’une langue à l’autre en douceur, sans cassures, par métissages sur des zones plus ou moins importantes et étendues (les amphizones).

Les différences entre les langues, les dialectes et les parlers s’expliquent par des phénomènes linguistiques repérés et étudiés. Pourtant, selon les points de vue, les avis divergent : tel parler peut, selon différents critères être rattaché à tel ou tel dialecte, telle ou telle langue. Ces critères ne sont pas toujours scientifiques à proprement parler, mais plutôt culturels, voire militant. La défense des langues régionales et de leurs variantes revêt un aspect politique qu’il n’est pas possible d’ignorer. Nous avons cependant pris le soin de ne pas appuyer les points de vue, de ne pas choisir à la place de l’utilisateur et de permettre à chacun de se faire sa propre idée. L’équipe d’Infrasons n’est en aucun cas responsables des éventuels discours idéologiques militant qui peuvent accompagner des informations plus objectives sur tel ou tel parler.

(À titre d’exemple, l’Auvergnat est généralement considéré comme un dialecte occitan, mais il existe des points de vue anti-occitanistes qui défendent l’idée d’une langue à part entière : nous avons volontairement suivi l’avis des linguistes non militants, rattachant l’auvergnat à l’occitan, mais nous donnons accès à ces autres points de vue, dont les recherches locales ne sont pas sans mérites.)

Quelque soit l’avis choisi, ce qui est parlé par les locuteurs dans les archives sonores reste la même chose dont la qualification est tout autant une question de connaissances que d’interprétations. Il nous semble essentiel de donner l’accès à l’utilisateur à la réalité sonore des différents parlers et au vocabulaire parfois contradictoire pour les qualifier.

Langues, dialectes, parlers ?

L’étude d’une langue est en perpétuelle évolution, tout comme les outils linguistiques pour l’appréhender. Les qualifications d’hier sont peu à peu aujourd’hui obsolètes. Mais la science met un certain temps à pénétrer dans les connaissances générales : nous nous sommes heurtés aux contradictions des connaissances établies et aux recherches récentes remettant en cause les outils d’études linguistiques. Il n’est pas possible ici de rentrer dans le détail, ni de fournir des éléments techniques qui n’intéresseraient que des spécialistes. Les débats scientifico-idéologiques évoqués plus haut ne sont pas clos et les critères permettant d’identifier un parler ne cessent de progresser. Il n’y a donc pas de définition absolue et ce que nous présentons aujourd’hui sera obsolète dans un avenir peut-être très proche. Nous ne le savons pas.

Pour cette raison, nous avons choisi d’adopter une nomenclature simple et efficace, dont il faut savoir qu’elle peut être remise en cause par des recherches poussées.

Nous n’avons pas voulu hiérarchiser les différents parlers en considérant qu’un parler est un détail d’un dialecte, lui-même un détail d’une langue, d’autant plus que l’appartenance n’est jamais évidente et est parfois remise en cause (l’Arverno-Bourbonnais est il occitan ou pas ?)

Nous souhaitons plutôt présenter les dialectes comme éléments de référence, dont les expressions multiples et non finies sont ce que nous appelons les parlers, dont certains ont été parfois nécessaires à distinguer. Le rattachement d’un dialecte à une langue est simplement signalé comme élément permettant d’identifier des traits linguistiques généraux qu’il présente et qui sont reconnus différents d’une autre langue du territoire.

Nous avons donc gardé ce vocabulaire commun de langue, dialecte et parler, malgré ses limites, dans l’unique objectif de donner à lire la considérable richesse et variété des formes parlées regroupées communément dans un même ensemble de caractéristiques linguistiques spécifiques, repérables et cohérentes. Nous n’avons pas souhaité rentrer dans les détails et l’exhaustivité des façons de prononcer les phonèmes ou de conjuguer le verbe « être ».

Nous nous réservons le droit, suivant l’évolution des connaissances, de modifier sur le site les appellations actuelles.

Voici donc ci-dessous la liste des dialectes vernaculaires présents sur le territoire et dont des expressions sont écoutables dans les archives sonores, ainsi que les sources utilisées pour les distinguer et les qualifier.

ARVERNO-BOURBONNAIS (Croissant ou Marchois)

AUVERGNAT (occitan)

VIVARO-ALPIN (occitan)

Nord-Languedocien (occitan)

Provençal (occitan)

Dauphinois (Francoprovençal)

Savoyard (Francoprovençal)

Voici des éléments plus généraux sur les langues vernaculaires et leurs qualifications

LANGUES VERNACULAIRES EN AURA (généralités)

Francoprovençal (généralités)

Zone de transition entre Occitan et Francoprovençal

Occitan (généralités)

Zone de transition entre Auvergnat et Vivaro-alpin

Nous remercions vivement Nicolas Gey et Didier Perre pour leurs conseils et leur aide concernant la documentation des zones linguistiques